Vote élèctronique dans les facultés ...

Vote électronique

Tiens, voilà la dernière nouvelle de notre (chere) majorité en matière universitaire : proposer aux universités qui le souhaitent de passer pour les élections internes en vote électronique.

Je vais commenter ici un texte de la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche [1], un discours qu’elle a tenu à ce sujet devant les députés.

Monsieur le Président,

Madame la Présidente de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation, Michèle Tabarot,
Monsieur le Rapporteur, Arnaud Robinet,

Mesdames et Messieurs les députés,

C’est à votre initiative que nous sommes réunis aujourd’hui.

Et vous me posez une question simple : voulons-nous que l’université donne, à travers les élections étudiantes, l’image de la modernité et de la transparence ? Voulons-nous qu’elle devienne un exemple à suivre ?

Et bien je vous réponds oui.

Donc première nouvelle, les élections par vote électronique seraient des « images de la modernité et de la transparence ».

Évidemment, cela fait bien de dire qu’on est « moderne ». Ca permet de qualifier ses opposants de « ringards ». Chose curieuse, la modernité est une notion variable. Il y a quelques années, moins de deux ans, les bonus exorbitants, les subprimes, tout ce qui est critiquée aujourd’hui au sein même de la majorité, étaient « modernes ». Et ceux qui étaient pour réguler le capitalisme, étaient ringards, dépassés, arriérées.

Ensuite, le vote électronique seraient « transparent ». Transparent, un vote où l’on appui sur un bouton, et où ne sait pas ce que cela devient après ? Transparent un vote où seul l’ordinateur compte les voix ? Transparent, un outil dont seul des experts peuvent vérifier le fonctionnement ? Il y a un certain nombre de questions qui dérangent quant au vote électronique »¦ mais chut, c’est un secret !

La mention « un exemple à suivre » à de quoi inquiéter : très clairement, il s’agit d’étendre le vote électronique, sans même avoir analyser ses avantages et inconvénients.

Je crois nécessaire, comme vous l’avez souhaité, d’autoriser les universités qui le veulent à recourir au vote électronique pour ces élections.

Le passage au vote électronique pour les élections des représentants étudiants est une évolution naturelle. De nombreuses instances l’utilisent déjà pour leurs élections professionnelles : je pense au CNRS et à la SNCF par exemple.

Diable, voilà la nature embarquée dans cette histoire de vote électronique ! Comme si la nature votait. Le terme « naturelle » est donc là pour faire comprendre qu’on a pas le choix. Qu’on le veuille ou non, il y aura un vote électronique ! C’est la négation du politique, en ce qu’il est justement constitué de prises de décisions. Le terme « naturelle », ainsi que le citation du CNRS et de la SNCF est ce qu’on appel classiquement un argument d’autorité.

L’université se doit d’être un précurseur, de montrer la voie de la modernité. Les étudiants plus que le reste de la population sont habitués aux technologies de l’information, à internet qu’ils manient quotidiennement, pour leurs études et pour leurs loisirs. C’est pour cela qu’ils sont les mieux à même d’utiliser ce nouveau mode d’élection.

Bon, effectivement, un étudiant comprendra mieux, en moyenne, comment cliquer sur un bouton pour voter qu’une personne d’une autre génération. Relevons encore le terme de modernité. Mais est-ce que le fait d’utiliser un outils fait qu’on se rend compte des implications sociales et politiques qu’il y derrière ? Un des rôles de l’université en matière d’informatique est d’apprendre à avoir un esprit critique sur cet outil. « Ce n’est pas parce que c’est internet que c’est fiable », nous assène-t-on en cours d’informatique, avec raison. Mais bon, il est vrai que notre ministre se passe souvent des avis des chercheurs sur l’organisation de la recherche, alors les critiques sociales, méthodologiques et techniques des mêmes chercheurs »¦


 une étude du CREDOC montre que en juin 2009, 92% des étudiants disposaient déjà à domicile d’un ordinateur connecté à internet ;
 en outre, ils ont à leur disposition les milliers d’ordinateurs du parc informatique des universités.

C’est vrai, et alors ? Le fait qu’on puisse faire certaines choses ne veut pas dire qu’il faille les faires.

Les étudiants eux-mêmes plébiscitent ce mode d’élection comme le montre un dernier sondage effectué en juillet 2009 : près de 80 % des étudiants s’y sont déclarés favorables.

Bizarrement, notre ministre choisis les sondages aux fonctions des humeurs. Quid des sondages concernant la LRU chez les étudiants ? Et ceux sur la masterisations ? En recherchant sur internet, je n’ai pas trouver de sondage sur la question. Peut-être, mais je serais mauvaise langue, qu’il vaut mieux avoir des sondages dont les résultats ne contredisent pas trop les décisions politiques ? Et comment croire que 80% des étudiants sont favorables au vote électronique, quand on voit le peu d’étudiants qui votent tout court ?

Mais au-delà de la modernité, le vote électronique que vous souhaitez instaurer aura de nombreuses vertus :

A, bien sûr, la vertu ! C’est bien la vertu non ?

Tout d’abord c’est un moyen d’augmenter considérablement la participation aux élections étudiantes. Qui peut aujourd’hui se satisfaire d’un taux de participation de 15% dans les universités, à l’heure ou l’autonomie confère aux élus étudiants des conseils centraux des responsabilités nouvelles et essentielles ?

On sait bien que les étudiants ne sont pas toujours présents sur les campus : étudiants en séjour à l’étranger étudiant en stage, étudiants salariés, étudiants handicapés ou malades. Ils ne peuvent pas toujours être présents le jour dit et à l’heure d’ouverture des bureaux de vote.... Eux aussi doivent pouvoir voter ! Pour eux, le fait de pouvoir voter à n’importe quelle heure, de chez soi, de son lieu de travail ou de stage ou même de son lieu de congés, c’est une vraie innovation.

Et le vote par procuration, c’est pour les ringards ?

Mais le vote électronique, c’est aussi un moyen d’assurer plus de transparence dans le système, une meilleure information des électeurs, une plus grande égalité dans l’accès au vote : qui peut se satisfaire de voir des milliers d’étudiants qui ne savent même pas qu’ils peuvent voter pour leur avenir ?

Parce que le fait de voter par internet informe mieux ? N’est ce pas confondre deux étapes dans une élection : la campagne électorale et la votation. C’est la campagne électorale qui informe du vote, c’est donc là dessus qu’il faut travailler.

Nous savons tous que les élections étudiantes, qui sont un enjeu très important pour les organisations représentatives, donnent lieu depuis des années à toutes sortes de contestations.

Au fil des contentieux et des années, le Ministère a pu constater, et la justice établir, un florilège de manœuvres électorales. Nous avons vécu les vols de bulletins, les substitutions d’urnes pendant une alerte incendie opportunément déclenchée, les urnes purement et simplement volées, les procurations plus nombreuses que les électeurs, les arrangements sur les horaires de dépôts de listes, les intimidations sur les électeurs à l’entrée du bureau de vote...

Certes, c’est possible. Je ne dis pas qu’il ne faille pas améliorer la transparence des votes. J’ai d’ailleurs était moi même surpris de voir qu’à Paris 1 il n’y avait pas de liste électorale, et que l’émargement se faisait sur la carte d’étudiant avec un tampon effaçable à l’eau ( !)

Mais la question est : fais-je plus confiance en une machine qu’en des êtres humains ? Le vote électronique, surtout via internet, ca peut-être le piratage de connexion, voir la manipulation directement dans la base de donnée des votants.

Le vote électronique, c’est également une solution in fine moins couteuse pour nos universités. Les universités m’ont fait parvenir les devis réalisés pour la mise en place d’une solution de vote électronique présentées par les entreprises du secteur. J’ai parlé avec les présidents qui sont aujourd’hui contraints de dépenser des sommes importantes pour faire imprimer les bulletins, les enveloppes, louer les urnes et les isoloirs... Cela sans oublier la mobilisation, pendant des semaines, des personnels qui encadrent le déroulement de l’élection. Cette mobilisation a un coût très important et elle éloigne ces personnels de leur mission première qui est de favoriser la réussite des étudiants.

A, l’argent, l’argent, l’argent ! Si le but est de faire des économies, autant ne pas voter dans les universités non ? La démocratie coûte cher, essayez la magouille »¦

Vous avez souhaité vous saisir de ce sujet et je m’en félicite. Votre proposition de loi est importante car elle respecte avant tout la liberté de choix des universités et leur autonomie.

Effectivement, pour le moment chaque université décide. Sauf que l’autonomie des universités est devenue très relative depuis la loi LRU, qui est censé leur avoir confier celle-çi. Peut-on parler d’autonomie quand des non-membre de l’Université siègent au CA ? Je renvoi ici au dossier de sauvons l’université sur la loi LRU.

Enfin, le vote électronique, c’est une évidence, est une solution beaucoup plus écologique puisqu’elle ne consomme pas de papier. Personne ne peut nier les bénéfices en termes de développement durable. A l’heure du Grenelle pour l’environnement, le vote électronique constituerait un geste fort de la part des étudiants sur un sujet qui touche leur avenir.

Pas de papier, mais des machines informatiques ! Beau progrès écologique. Et si l’UMP est si écolo que cela, pourquoi rejeter la proposition des verts d’une transformation écologique de l’économie ?

Et si le souci est d’avoir des universités écolos, pourquoi n’y a-t-il toujours pas de bio dans les RU, de tri sélectif dans les facs ? A, oui, cela à un coût immédiat »¦

Plus de liens sur le vote électronique

 Ordinateur-de-vote.org : dossiers thématiques, pétitions, etc.
 Un article sur l’influence des rayons cosmiques sur les ordinateurs, publié dans Ciel et Espace où il est cité un exemple d’influence sur le vote électronique.

Notes

[1Enfin, de ce qu’il en reste »¦