La boite à souvenir
Mes parents déménagent... ils quittent la maison où j’ai grandi.
Alors il faut se résigner à faire ce qu’on n’a jamais fait, faute de temps, de motivation. Mettre en carton, trier, ranger.
Et puis en ouvrant un tiroir, on tombe sur des choses qu’on croyait perdues, comme un diplôme de bac ou une figurine de Tintin d’une collection quasi complète. On tombe aussi sur des choses dont on avait oublié l’existence, et dont on ne sait que faire. Des vieux tracts, des revues politiques, des feuilles de chant de messe. On les jette, car on sait qu’on n’a déjà plus de place chez soi.
Et puis des choses dont on avait oublié l’existence, mais qu’on veut garder : des cd souvenirs de colonie de vacances, des "diplomes" dédicacés remis en fin de séjour. On les emporte, en se disant qu’il faudrait les mettre dans une boite à souvenirs, pour ne plus risquer de les oublier.
Et même des trucs moins joyeux, comme des copies d’examens. On les garde aussi, on ne sait jamais : même les choses a priori les moins intéressantes peuvent nous marquer et nous construire.
Pourquoi l’un, pourquoi pas l’autre ? J’ai remarqué que je garde les objets avec une écriture, ceux qui sont marqués d’une ou plusieurs personne. Pas les produits "standardisé", fussent-ils témoins d’un grand moment de ma vie.
Et quand on sera vieux, on devra peut-être refaire le ménage. Et on retombera sur cette boite à souvenir... et on se souviendra. Mais surtout, ne consultons pas trop souvent la boite. Ce genre de souvenir prend de sa valeur lorsqu’on retombe dessus par hasard. Si on les consulte trop souvent, on s’y enferme, et on s’empêche de se créer de nouveaux souvenirs.
Et quand on sera mort ? Si on a une descendance, ils feront un petit tri. Et garderont, ou pas, une partie. Et nos petits enfants feront aussi un tri dans les objets souvenirs de nos parents. Sinon ma foi, cela ira directement à la poubelle, éventuellement dans des archives si des instances hautes placées jugent que nous avons marqué la société. Mais ces instances n’emporteront que les objets, pas les souvenirs.
Toutefois, le plus probable est que peu à peu s’effaceront nos souvenirs et leurs supports matériels, pour laisser place à d’autres souvenirs, avec d’autres supports matériels. Car ni la mémoire ni la place physique ne sont illimitées.
Et c’est très bien ainsi.