Une réunion à Paray-le-Monial
Depuis une semaine circule sur les réseaux sociaux un document faisant état d’une « Rencontre des »œtêtes de réseaux » représentants l’engagement chrétien en politique et l’engagement sociétal chrétiens ».
Comme je suis l’une des personnes ayant participé à la diffusion de ce document, je trouve utile d’en faire un petit commentaire, sous forme de question-réponse, afin que la portée de ce document ne soit pas exagéré.
Présentation générale du document
Le document est un fichier au format Word, se présentant comme une lettre .doc
. Il se décompose ainsi :
- Un mot de présentation de Jean-François Debiol, candidat divers droite aux élections législatives de 2012 dans le Rhône. L’auteur regrette que les candidats se réclament explicitement du christianisme soient de moins en moins présents aux élections présidentielles. Il appel ensuite à la remobilisation, notamment en raison des projets, réels ou supposés, du gouvernement en matière de mœurs. Les destinataires sont considérés comme « tête de réseaux » utiles à « ce combat » et par conséquent invité à une rencontre à Paray-le-Monial.
- Des détails pratiques mentionnant les lieux, dates, horaires, coûts de la rencontre.
- Une présentation du programme, s’étendant du 2 au 5 novembre 2012.
- Deux listes de personnes, indiquant nom, prénom, et fonctions. Ces deux listes sont intitulées ainsi :
- « PARTICIPANTS PRESSENTS [sic !] (pointage du 28/10/2012) »
- PARTICIPANTS ABSENTS ou REPRESENTES
(pointage du 28/10/2012)
La réunion a-t-elle eu lieu ?
Un témoignage de Christian Vanneste, ancien député UMP, bien connu pour ses combats conservateurs, voire réactionnaires, ayant eu des propos attaquant les homosexuels, désormais président du RPF (de Philippe de Villiers), nous confirme l’existence d’une telle réunion.
la première, à Paray-le-Monial était un colloque des Chrétiens engagés en politique. J’y étais en tant que Président de Famille et Liberté [...] Deux atmosphères opposées : d’une part, des échanges très riches intellectuellement entre des responsables chrétiens de sensibilités diverses, des » poissons roses » socialistes à Civitas, avec la modération dans les propos et la recherche du consensus propres aux croyants
Le document est-il authentique ?
La sortie du document date, à ma connaissance, du 7 janvier, via le site antifa-net. Peut-on imaginer qu’il ait été composé par les auteurs de ce site dans un but purement politique ?
Le contexte de sorti du document pourrait plaider en faveur de cette hypothése. Nous étions dans phase politique où la différence entre les composantes de l’opposition au projet de loi dit « Mariage pour tous » tendait à s’atténuer au premier abord (Manifestation publique ayant lieu le même jour), même si de facto il n’en était rien, comme en témoignent les propos de personnes proches de Civitas contre les organisateurs de la Manifs pour tous [1]. Néanmoins étant donné la liste des personnes cités dans le document, l’hypothèse ne tient pas. En effet, ces personnes ne sont pas (seulement) de têtes d’affiche bien connues, mais aussi des personnes certes opposés au mariage pour tous, mais plus discrètes. Un tel contenu témoigne d’une connaissance fine des personnes présentes dans l’opposition au projet de loi. Par conséquence, une capacité d’analyse allant plus loin qu’une assimilation pure et simple.
En outre, les meta-données nous indique une datation ancienne du document et sa dernière impression, ainsi que l’auteur de la dernière modification. Il est certes possible de fausse ses méta-donnée, par exemple en changeant la configuration de Word et la date et l’heure de l’ordinateur. Il n’en demeure pas moins que nous aurions là affaire à un travail de faussaire vraiment poussé. En outre, nous avons dans ces meta-données des incohérences qu’un humain n’aurait point produit, mais qu’un bug de Word pourrait expliquer : l’heure d’impression du document est indiquée comme antérieure à son heure de création.
En conclusion, il semble bien que ce document soit produit par le sieur Debiol, fin octobre 2012.
Que nous apprend ce document ?
Ce document ne peut nous apprendre qui étaient effectivement présent à cette rencontre. En effet, l’auteur ne présente que deux listes : participants présents, participants absents ou excusés. Or :
- Entre la date du document et celle du séminaire, des désistements ont pu se produire.
- Le document se présente comme une lettre : c’est donc que la liste des participants n’était pas close. Il y a donc lieu de penser que la liste « participants présents » désignait la liste des participants invités, les organisateurs ayants pour idée que la norme serait la présence, et l’exception serait l’absence. En fonction des réponses reçues les noms auraient été déplacés vers l’autre liste.
Par ailleurs, certaines personnes ont démenti avoir été présent à cette réunion. Ainsi d’un maire socialiste de Quimper, opposé au projet de loi, ou d’une personne qui m’a envoyé un message privé. Certes ces personnes n’apportent aucune preuve à leur démentis, mais n’ayant aucun document n’attestant effectivement de leur présence, nous ne pouvons que leur donner crédits.
Au final, ce document ne nous renseigne que sur peu de chose : la volonté de certains de fonder un front uni contre le projet de loi. On peut également se demander si des mouvements n’ont pas souhaiter « ramener » dans leurs organisation des personnes leur étant proches, comme en témoigne les intitulés de certaines séances, visant à présenter les mouvements. Mais après tout, toute réunion inter-organisation est toujours dans une tension entre le respect des différences et la volonté de convaincre les autres « partenaires ». Enfin ce document témoigne de la capacité des mouvements réactionnaires à chercher tout les partenaires potentielles, fussent-ils seulement conservateurs.
Le front unique souhaité a-t-il fonctionné ? La réponse semble négative : certes tous ces mouvements, d’une manière ou d’une autre, ont participé à la mobilisation pour dimanche dernier, mais cela s’est fait sans unité [2], si ce n’est par un mot d’ordre commun contre le refus du mariage pour tous. Cela n’implique pas nécessairement un accord sur tout les slogans [3].
En revanche, il est plus inquiétant de se dire que certains membres des « poissons roses » se sont laissé aller à participer à cette réunion, en présence des membres de Civitas (cf. les propos de M. Vanneste).