La levée des exommunication, une felix culpa ?
Je rapporte ici deux réactions sur la levée des excommunications, qui semble dire "à quelquechose, malheur est bon".
Tout d’abord, celle trouvée sur la Fédération Protestante de France [1]
La décision du Vatican de lever l’excommunication des quatre évêques de la Fraternité-Sacerdotale-Saint-Pie-X a déclenché de par le monde une vague de stupéfaction. Consternation décuplée par la diffusion concomitante, par la télévision suédoise, des propos négationnistes de l’un d’entre d’eux.
La décision du Vatican de lever l’excommunication des quatre évêques de la Fraternité-Sacerdotale-Saint-Pie-X a déclenché de par le monde une vague de stupéfaction. Consternation décuplée par la diffusion concomitante, par la télévision suédoise, des propos négationnistes de l’un d’entre d’eux. Cette crise met au jour le paroxysme atteint dans la lutte d’influence effrénée qui divise et oppose divers courants antagonistes de la curie romaine.
Depuis des années, l’Eglise catholique n’a eu de cesse de faire des gestes significatifs d’ouverture envers une frange somme toute minime. Au nom d’une prétendue miséricorde réservée à quelques uns et refusée avec rigueur et intransigeance parfois à d’autres, par exemple les divorcés remariés. Encourageant au bout du compte l’attitude triomphaliste des plus traditionnalistes qui brandissent leurs « trophées » avec une insolente arrogance.
D’accord : levée d’excommunication ne vaut pas réintégration automatique. N’empêche que l’on peine à croire que le Vatican ne mesure pas la portée symbolique d’une telle décision qu’il tente de minimiser ou banaliser. Au mieux, comment ne pas l’interpréter comme une nouvelle reculade face au lobbying d’un groupuscule qui impose sans contrepartie ses exigences en préalable absolu ?
D’aucuns soupçonneraient le pape de vouloir « pactiser avec le diable ». Excessif et absurde. De là à suivre ceux qui voudraient à bon compte le dédouaner, prétendant que le pape ignorait tout des positions les plus abjectes de la plupart des intégristes, il y faudrait beaucoup de naïveté. Certains évêques français accréditent la thèse d’un complot délibéré des plus ultras des lebefvristes eux-mêmes visant, par cette horrible provocation, à torpiller d’avance toute velléité de dialogue. Pourquoi pas ? Une façon commode aussi de faire du pape une victime »¦
Cet énième avatar de la volonté farouche de Benoît XVI à résorber le schisme lefebvriste aura peut-être finalement un effet boomerang. A force d’avaler des couleuvres de plus en plus grosses, beaucoup au sein de l’Eglise catholique se refusent désormais à continuer à faire le dos rond. Trop c’est trop ! Nous sommes de tout cœur avec eux. Puisse en effet s’affirmer de plus en plus un attachement indéfectible à Vatican II dont on pouvait craindre qu’il soit en grande partie vidé de son contenu au fil des décennies. Cette crise offre ainsi l’occasion d’une salutaire clarification.
ensuite une trouvé sur le site de Jonas
Gérard Bessière l’a excommunié avec le sourire. Non sans malice ! A l’inverse, je suis fortement tenté de le féliciter, la moutarde au nez. Cela étonnera, et peut-être même scandalisera, des lectrices et des lecteurs des "Cahiers du libre avenir" et "JONAS". Mais, avant de m’excommunier, je les prie de bien vouloir me lire jusqu’au bout.
Pourquoi donc féliciter Benoît XVI ?
C’est très simple. Pas d’emberlificotages à la manière de ceux que l’affaire met fort mal à l’aise parce qu’ils craignent de faire bon usage de leur liberté. En levant l’excommunication des quatre évêques de l’Association saint Pie X, le Souverain Pontife désavoue son prédécesseur. Les raisons de la décision de Jean-Paul II demeurent pourtant pleinement, ces évêques restant sur les mêmes positions doctrinales qui les ont fait condamner. Ils ne cessent de réaffirmer leur négationnisme de Vatican II comme celui de la Shoah. Ce faisant, il fait descendre le Pape, de quelques marches au moins, du trône pontifical. Il désacralise, il décrédibilise, il discrédite le Pouvoir romain dont il est le détenteur. Il contribue à faire oublier l’infaillibilité selon Vatican I et, indirectement, sans le vouloir, il valorise les orientations données par Vatican II.
A ramener l’Instance suprême de l’Eglise catholique au niveau des autres hiérarchies religieuses, il offre, involontairement bien entendu ! une chance pour un dialogue en vérité entre des "Eglises soeurs" et pour des dialogues tous azimuts. Opération salutaire s’il est ! Au service du passage de la suffisance à l’humilité. Dès lors, pourquoi ne pas féliciter Benoît XVI ? L’histoire nous apprend que les hommes, les institutions et les sociétés avancent souvent en vertu du principe de contradiction.
L’initiative a provoqué des remous surtout en France mais aussi en Allemagne, en Suisse, un peu partout. Elle a dressé des levées de boucliers de la part de chrétiens déçus ou choqués. Elle a jeté les hiérarchies, et d’autres, dans un malaise difficile à gérer. Un exemple, parmi des dizaines et des centaines, celui de l’éditorial du journal La Croix du 26 janvier.Son auteur y pratique un équilibrisme vertigineux. Il s’y livre à des gesticulations, des contorsions et des pirouettes du plus pur style. Il y brasse une sauce épaisse et douteuse d’équivoques et d’ambiguïtés. Tout cela, teinté d’embarras, relève d’une faiblesse évidente et d’une gêne qui ne l’est pas moins.
Puis on s’est volontiers polarisé sur le négationnisme de Mgr Williamson. Belle aubaine pour se dédouaner et s’alléger les épaules. En effet, cette fixation a eu et a pour regrettable conséquence de faire passer aux oubliettes une théologie qui cultive la fermeture identitaire et nourrit l’antisémitisme. On en a tiré, on en tire insidieusement profit pour mettre à l’ombre le débat religieux ou, si l’on veut, le choc idéologique entre ceux qui prennent le parti de Vatican II et ceux qui le nient.
Aura-t-on l’audace de tirer de ces événements des conclusions qui pourraient garantir à la foi et aux Eglises un avenir différent ? Des conclusions qui donneraient à espérer ? Aura-t-on l’audace de miser vraiment sur le message du Nazaréen sans se livrer à des interprétations BCBG ? En se laissant simplement entraîner dans le courant de la Source.
Hyacinthe Vulliez
Alors, Felix Culpa ou non ?