Lettre à Jean-Michel Baylet
Lettre à Monsieur Jean-Michel Baylet,
Monsieur le Président du Parti Radical de Gauche,
J’ai lu avec intérêt votre tribune « Le droit accordé au Vatican de reconnaître des diplômes est une entorse à la laïcité », parue dans Le Monde en date du 20 mai 2005. Dans l’ensemble, je ne peux que souscrire à votre tribune. Il est pourtant fort dommage qu’une phrase vienne la gâcher : « Un seul exemple en convaincra : les cinq "cathos" françaises devront-elles demain traiter à parts "scientifiques" égales le créationnisme et l’évolutionnisme ? ».
Je suis moi-même un catholique « critique », inquiet d’un certains nombres de reculs dans l’Église Catholique sous le pontificat actuel. J’appartiens, ou je soutiens, des associations [1] qui, à l’intérieur de cette Église, lutte pour que ses « responsables », les évêques, notamment celui de Rome, évoluent sur un certain nombre de points, comme par exemple sur la question de l’ordination des femmes, ou sur des sujets plus sociétales, sur la contraception, le préservatifs ou le droit à l’IVG. Je connais donc pleinement les « archaïsmes » de cette Église, et je les vis d’autant plus douloureusement que j’y suis attaché, malgré ses tords (de même que je suis attaché à la France, malgré son actuel président).
Je suis toutefois choqué par la phrase sus-citée, qui laisse entendre que l’Église Catholique est partisane des théories créationnistes. Or il n’en est rien. Le 23 octobre 1996 devant l’académie pontificale des sciences, Jean-Paul II a reconnu que les connaissances scientifiques « conduisent à reconnaître dans la théorie de l’évolution plus qu’une hypothèse » [2].
Vous semblez être encore des gens qui mettent dans le même sac tout les chrétiens, quel qu’ils soient. J’espère qu’il s’agit là d’un malentendu. Une telle attitude risque de plus, me semble-t-il, de renforcer le sentiment éprouvé par certains catholiques d’une hostilité du monde à leur égard, et donc un repli identitaire sur soi même, repli qui n’est jamais bon, ni pour l’Église, ni pour la paix dans le monde.
Vous semblez mettre en cause la neutralité, l’objectivité scientifique des « enseignants-chercheurs » des instituts catholiques, sous prétexte de leur subordination à l’Église Catholique. Bien sûr, une telle crainte ne me semble pas être infondée. Il n’est pas impossible, même si je ne le souhaite pas, que l’Église Catholique dans le futur se renferme sur ses vieux démons, et considère la science comme l’ennemi de Dieu, mais cette hypothèse me paraît peut plausible.
En revanche, je n’ai pas vu sur le site du PRG de réactions concernant la loi LRU, qui mobilise depuis plus d’un an les universitaires. Cette loi prévoit notamment la présence d’un certain nombre de personnalités « extérieures » dans les conseils d’administrations, en fait des représentants d’entreprises. Ce qui, du point de vue de la « neutralité » scientifique, si tant est que cette expression est un sens, notamment en science humaine, me semble tout autant, voir plus, problématique que le décret sur la reconnaissance des diplômes [3]. Un seul exemple en convaincra : les quatre vingt trois universités françaises pourront-elles demain traiter à parts "scientifiques" égales le marxisme et le libéralisme économique ? Pourront-elles mener des recherches dans le domaine de la pollution chimique en toute impartialité si une entreprise chimique siège dans leur conseil d’administration ? etc, etc.
En espérant que votre phrase sus-citée relève d’un malentendu, je vous prie de croire, monsieur, en mes sentiments les plus distingués.
Maïeul Rouquette
Ps : sur la question de la création dans la foi catholique, je vous invite à lire le livre de Hans Küng, un théologien il est vrai peu en cours au Vatican, Petit traité du commencement de toutes choses (Seuil, 2008)
Ps1 : Je n’ignore pas que le PRG est un petit parti, qui a du mal à faire entendre sa voix, il est donc possible que celui-ci est réagi à la LRU. Si tel était le cas, je vous prie d’avance de m’excuser pour mon reproche à ce sujet.