J’ai mal à mon Église
« J’ai mal à mon Église », l’expression n’est pas de moi [1], et pourtant je la reprends volontiers à mon compte.
Mon Église, la Catholique « Romaine » [2]. Avec mes collègues protestants qui me présentent comme un catholique « romain » [3], je me dispute régulièrement à ce sujet : « je suis très gallican dans ma romanité ».
Je me considère en effet comme catholique tant sociologiquement, dans la mesure où j’ai reçu et vit ma foi dans l’Église Catholique, que sotériologiquement, dans la mesure où je n’adhère pas à la vision du rapport entre l’Homme et Dieu que soutiennent les protestants [4]. Cependant je ne me considère pas comme « romain » dans la mesure où je suis pour plus de collégialité épiscopale et d’autonomie des Églises locales.
Pourtant quoi qu’il en soit, je suis, encore, dans cette Église, et je dois « assumer » de vivre avec ses tords et ses défauts. Vivre avec, oui, mais pas se taire. Parce que se taire serait se faire complice.
Les différente crises de ce dernier temps me font souffrir, me font peur aussi : quand on excommunie la violée mais pas le violeur, parce que la première s’est fait avortée alors que le second est contre l’avortement, oubliant tout les enseignements du Christ [5].
Quand on maintient la pression, les menaces sur les théologiens catholiques « progressistes » mais qu’on lève l’excommunication d’évêque rejetant Vatican II [6]. Quand on refuse toujours l’accès à la communion eucharistique [7], aux divorcés remariés. Il y a de quoi être peiné, être en colère, mais je ne développerai pas ce point : les mots et le courage me manquent.
Alors, claquer la porte ? Quitter l’Église Catholique et vivre ma foi ailleurs, en toute liberté ? Rejoindre mes amis protestants ? Je pense que je ne suis pas le seul à me poser la question.
Et pourtant, je reste
Je reste, parce qu’on ne quitte pas un navire qui coule, même si on n’est pas d’accord avec le positionnement du capitaine.
Je reste, parce que l’Église Catholique m’a fait don de ce qu’elle avait de plus beau, la foi en un Dieu « tombé amoureux de l’humanité » [8] au point de venir partager sa condition. Un Dieu qui nous rappel toujours « tu a du prix à mes yeux ». Un Dieu qui nous invite à l’action, car il ne peut supporter l’injustice. Et que pour cela, je lui suis encore et toujours reconnaissant.
Je reste, parce que l’Église Catholique, c’est aussi le lieu de naissance de la théologie de libération des prêtres ouvriers, de l’action catholique, de Témoignage Chrétien, même si Rome les a, au mieux, soutenus des bouts des doigts, au pire condamnés.
Je reste, parce que l’Église Catholique, c’est l’Aumônerie de l’Enseignement Public, un des rares lieu de rencontre, de débat, de convivialité qui reste dans notre société française, où les gens se replient sur eux même, et semblent préférer aller dans des centres commerciaux que discuter, rencontrer, dialoguer. Un des endroits où j’ai passé parmis les meilleurs moments de ma jeunesse.
Je reste, parce que l’Église Catholique c’est le Frat, formidable lieu de joie, d’échange, de mûrissement dans la foi.
Je reste enfin, parce que je ne veux pas donner raison à ceux qui pensent que Vatican II est la cause du déclin de l’Église, alors que si ma mère y est resté et m’a transmis sa foi, c’est grâce à ce Concile.
Je reste finalement, parce que l’espérance, une des trois « vertus théologales », c’est aussi l’espérance que l’Église Catholique Romaine puisse changer.
Puisse le souffle de l’Esprit passer un jour au Vatican, comme il a su le faire avec force entre 1962 et 1965.
Ps : J’ai appris une phrase d’Erasme en cours, répondant à Luther qui lui presse de quitter l’Eglise Catholique, il lui déclare "Je quitterai mon Église le jour où je la trouverai meilleure"