L’un des arguments des opposants au projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe est que la « famille est la cellule de base de la société ».
Cette affirmation m’interpelle, et je voudrais vous faire part dans cet article de mes réflexions et interrogation.
Analyse des arguments
- Postulat : la famille est la cellule de base de la société.
- Second postulat : le projet de loi attaque la famille.
- Conclusion des deux postulats combinés : le projet de loi attaque la société.
Je ne remettrai pas en cause la conclusion, mais bien les deux postulats, en commenà§ant par le second.
La famille, quelle famille ?
Le projet de loi attaque la famille. A bon ? En quel sens ? Au sens où il affirme que la famille "PME" comme aiment à l’appeler les opposants est le seul modèle ?
Encore une fois, j’ai du mal avec cet argument. Le texte biblique nous présente près de 40 modèles de familles, sans que les uns s’en sortent particulièrement mieux que les autres [1]. La famille greco-romaine antique comprenait le chef de maisonnée, qui avait autorité sur sa femme, ses enfants, les esclaves.
La famille moderne est née au 18ème [2], à une époque où l’esclavage était, du moins en métropole, aboli. Elle a vu son organisation évoluer : la femme est sur le pied d’égalité avec l’homme, les enfants sont désormais sous l’autorité conjointe des parents.
Aujourd’hui la famille est diverse : monoparentale, recomposée, avec ou sans grand-parents au domicile etc. Aucune de ces familles n’est épargnée par les joies et les douleurs, les familles « papa - maman - enfants » comprises. Ni plus, ni moins.
Ce qui fonde l’unité de ces divers modèles familiaux, c’est l’idée d’une communauté de vie, et notamment de domicile, engageant des droits et devoirs réciproques. Ce n’est ni le nombre de membre, ni leur sexe, ni leurs origines.
Alors en quoi ce projet de loi vient-il remettre en cause LA famille ? Au contraire, il vient permettre de renforcer les droits et devoirs réciproques, de toutes les familles.
Poser en absolu un modèle de famille à un nom : cela s’appelle de l’idolâtrie. En tant que chrétien, je ne peux donc que rejetter l’idéalisation de ce modèle familial, sans non plus me faire d’illusion sur les autres. Je ne peux que souhaiter que les individus et les relations positives qui les unis soient protégés au sein de chacune de ces familles.
Cellule de base
Venons en au second postulat : la famille est la cellule de base de la société. Avant d’en venir au vif du sujet, j’aimerais répondre à un argument que j’entend ici ou là . Si la famille est cellule de base, elle se doit d’être à l’image de la société, qui ne saurait s’envisager comme monosexuée. Fort bien, mais c’est oublier qu’une cellule n’est pas le modèle réduit d’un ensemble. Les opposants au mariage pour tous, si prompte à brandir l’argument biologique, ne me contrediront pas sur ce point : il n’y a qu’à observer les cellules du corps humains, et les comparés à ce corps...
Le problème plus fondamental que je trouve dans ce postulat est que je n’en comprend pas le sens.
Est-ce de dire qu’on n’imagine pas de société sans famille ? Certes, c’est vrai. Mais de même qu’on imagine pas de société sans échanges, sans fêtes. Et pourtant personne ne viendrait dire que la fête est la cellule de base de la société.
Est-ce à dire que la famille est le lieux où s’apprend le liens social ? Effectivement, oui c’est le cas. On commence généralement par s’ouvrir à l’autre dans sa maisonnée. De même qu’on commence à apprendre à cuisiner en famille, mais cela ne fait pas de la famille la base de la gastronomie. Cela en fait juste un vecteur, parmi d’autres [3], de la sociabilisation.
Alors oui, j’aimerais qu’on donne la signification exacte de l’expression « la famille est la cellule de base de la société » plutôt que de me la répéter comme un mantra.
Car pour l’instant, je trouve cette affirmation particulièrement inquiétante. Si on la prend à son extrême, cela signifierait que n’entre en relation dans la société que des familles, et non des individus. Cela signifierait que l’individu est irrémédiablement attaché à sa famille. On aurait à la fois une forme de dénie de la singularité de l’individu et une forme d’hyperindividualisme, puisque les relations n’étant pas directement issues du milieu d’origine de la personnes ne serait que des relations secondes pour construire la société.
Certes, j’ose espérer que cela n’est pas le sens que donne ses partisans à l’affirmation « la famille est la cellule de base de la société ». Mais dans ce cas, j’attends toujours qu’on m’en explique le sens.
5 Le lundi 11 mars 2013 à 10h41 par
Maïeul
Je vous répond.
- vous dite bien que c’est un système réduit. Je vous cite « C’est la cellule de base de la société car elle rempli en miniature toutes les fonctions de la société. » Vous basez l’idée de cellule sur l’idée de miniature.
- la famille que vous décrivez n’est pas donc pas la famille qui existe, mais un modèle, qui peut exister, mais ce n’est pas LA famille qui existe. Autrement dit : il existe des familles de ce type, mais ce n’est pas les seuls qui existent, et rien ne prouvent que ce soit les seuls qui fonctionnenent.
En outre, je ne vois pas en quoi le modèle actuel serait brisé. Il serait sinplement proposé comme un modèle parmis d’autres. Je peux vous renvoyer la balle : les autres modèle méritent-ils d’être niés parce que cela ne convient pas au partisan du conservatisme ? Donner des droits aux familles homoparentales n’en enlèvent pas aux familles héteroparentales.
Je n’ai jamais dit que tout ce qui est faisable est souhaitable. Mais en l’espèce, je ne voit aucun soucis éthique à proposer des modèles de familles homoparentaux.
Le CE ne s’est pas prononcé contre le nouveau modèle, mais contre certaines conséquences du projet de loi en l’état. L’unaf et la CNAF n’ont aucune légitimité sur le sujet, puisque par définition elles répresentent les familles d’un seul modèle. L’académie des sciences morales est constitué en dépit de toute pluralité politique, et, comme tout les instituts de France, ont été conà§us dans le seul but d’être conservateurs. Ce n’est certes pas un mal en soi, mais cela indique clairement que de toute faà§on tout évolution sociale est mauvaise pour elle.
Quant aux religions monothèistes :
en régime de laïcité leurs voix n’est pas prépondérante, et ne devrait peser que sur la conscience des électeurs et non des élus
leur propres textes fondateurs (surtout la Bible) proposent des pluralités de modèles familiaux, sans pour autant en exalter l’un ou condamner l’autre. Relisez le livre de Ruth, ou bien dans les évangiles tout les passages où Jésus rappelle que sa famille n’est pas fondé sur le lien du sang mais sur l’adhésion à la volonté de son Père qui est au cieux.
En outre elles ignorent totalement le débat interne. C’est pourquoi je me réjouis de l’audition demain par le Sénat des associations des croyants LGBT.
Par ailleurs il existe des intellectuels, comités et organisations de réflexion favorables au projet de loi.
En outre, plus fondamentalement, la question n’est pas de savoir qui est favorable au projet de loi et qui est opposé, mais sur la base de quels arguments. Or les seuls arguments que j’ai entendu pour le moment de la part des opposants relèvent, selon le cas :
de l’homophobie pur et simple.
de l’idéalisation d’un modèle et de la négation de la possibilité de l’idée que d’autres modèles fonctionnent. Il peut y avoir autant de stabilité, de sécurité affective, morale et matériel dans une famille homoparentale que dans une famille héteroparentale. Le refus de la reconnaissance de la légitimité de ces familles ne se comprend que par la crainte.
de la peur fantasmée mélangeant tout les sujets. Ainsi on peut être pour le droit au mariage, à l’adoption et à la PMA pour les lesbiennes et contre la GPA pour tous (d’ailleurs dans les pays où la GPA est autorisée, elle concerne essentiellement des couples hétéros).
Je souhaite à vos enfants d’avoir, dans un an, le droit de vivre dans une société plurielle et d’avoir honte des positions de leur parents, se rendant compte qu’elles n’étaient fondées au final que sur la peur et sur l’idéalisation d’un exemple parmi d’autres de familles. Je leur souhaitent également que s’ils désirent un jour fonder une famille avec une personne de leur sexe, ils puissent le faire en état reconnus par la société, à défaut d’être reconnus par leurs parents.
ps : je tiens à préciser que j’ai lu les avis du CNAF, de Mgr Vingt-Trois, du Grand Rabbin de France, de l’institut « de sciences morales et politiques » et que si ces avis divergent sur la forme, leurs arguments restent sur le fond les même.
7 Le lundi 11 mars 2013 à 15h44 par
Maïeul
Madame ou Monsieur,
je ne refuse pas le débat. Mais je ne fais que constater que TOUT les arguments avancés relèvent de la peur et du fantasme. Peur que la famille traditionelle soit détruite, peur de la fin de la civilisation, peur de la fin de la division sexuelle.
C’est bien pourquoi je distingue l’homophobie pur et simple, de civitas et co, de la peur auquel je ne trouve aucun fondement des adversaires de ce projet de loi. Ce n’est certes pas de l’homophobie franche, mais cela reste sans fondement, en tout cas je n’ai pas réussi à en trouver dans les textes des divers opposants que j’ai lus.
Et oui, l’UNAF est une organisation représentant les familles « traditionnelles ». Il est donc normal qu’elle refuse l’appellation de « familles » à d’autres familles. Si elle avait en son sein des représentants de familles homoparentales, qui existent déjà , son avis serait certainement différents.
Quant au CE, nous ne disposons que d’une partie de l’avis, ressortis par les adversaires du projet (en l’occurence le journal LA VIE, même si sa rédaction est partagée). On ne peut donc dire qu’il est opposé ou non : on n’a que les arguments dans un sens.
Quant à l’avis des responsables religieux, je les ai lus, et je les trouvent sans fondements ni théologiques ni anthropologiques.
Enfin, je rappelle qu’en régime de démocratie parlementaire, c’est le parlement, et non les comités divers, aussi respectables soient-ils qui ont le dernier mot pour dire la législation. Dans les adversaires du projet, on trouve régulièrement un procès en illégitimité du parlement, ce qui en dit long du respect de la démocratie représentative.
Depuis le début de cette histoire, les défenseurs de l’égalité se sont fait traités de :
égoïstes
destructeurs de la nature
destructeurs de la civilisation
savant fou
Alors en terme d’argumentaire vous n’avez pas de leà§on à donner.
8 Le lundi 11 mars 2013 à 18h12 par
la mère
Désolée Maïeul, mais pour une fois je ne suis pas d’accord avec toi, non sur le fond, mais sur la forme. On ne peut jamais souhaiter que des enfants aient honte de leurs parents (et j’espère de tout mon cœur que tu n’as jamais eu et n’aura jamais honte de ton père ou de moi).
Tout au plus, les enfants de ton interlocutrice pourront s’étonner de la position de leur mère car dans 10 ans, le mariage homo sera dans la société, comme dans les autres pays où il est prévu.
La seule chose qu’on puisse espérer c’est qu’elle-même n’aura jamais d’enfant homo, tant il doit être dur d’entendre et de lire les horreurs que les anti-homo écrivent, car oui tu as raison, 90% des anti-mariages pour tous sont des homophobes, des gens qui ont peur d’une sexualité qu’ils ignorent et qu’ils confondent avec la débauche voire avec la pédophilie.
Pour eux, être un homo fidèle n’est pas possible, donc l’homosexualité est uniquement dépravation alors que, comme l’amour hétéro, elle est d’abord et avant tout amour se projetant dans l’avenir.
Je comprends que tu sois exaspéré par les arguments de ton interlocutrice, je le suis moi-aussi dans mon mandat, mais que veux-tu notre Eglise, notre histoire a tellement imprégné les esprits que beaucoup ne savent pas raisonner par eux-même : ils ne savent pas que la famille n’est pas une, ni en diachronie ni en synchronie, car elle est la rencontre de deux êtres, de 2 familles, de 4 familles à la génération d’avant ect, qui apportent chacun leur propre histoire et donc ces deux êtres font former une famille atypique, parce qu’unique »¦
Comme ton père et moi en avons fait l’expérience avec nos traditions bourgeoise et ouvrière, juive, catholique et athée, voire bouffeuse de curé, résistante et internée, du nord et du midi, de mangeurs d’artichaut chaud ou froid, d’œuf par le petit ou le gros bout »¦ Et chacun de vous trois, élevé avec ces mêmes traditions, êtes différents et pourtant tellement semblables, vous êtes tellement nos enfants dont nous sommes fiers ☺ et tellement nos enfants que nous ne comprenons pas parfois ☹
La famille modèle n’existe pas, chaque être humain, non pathologique, essaye de faire le moins mal possible, avec son conjoint, avec ses enfants, avec ses parents »¦ mais ton interlocutrice ne le sait pas, c’est dommage pour elle.
Ta sénatrice de mère »¦