Amère ratification

Ca y est, le Traité de Lisbonne est ratifié.

J’avais fait campagne en 2005 pour le Oui au TCE. A l’époque, lycéen, je m’était fait traiter de partisan de l’Europe libérale par les mes amis noniste [1]. J’était pour le Oui, car je pensais, et je pense toujours, que voter Non, c’était en rester à Maastricht-Nice qui est plus libéral que le TCE. Et étant donné les majorités politiques en Europe, une occasion de sortir de ces traités ne se représenterait pas de sitôt.

On se souvient du résultat. Puis de la décision de Sarkozy de lancer une « mini traité », celui de Lisbonne. J’était aussi pour le Oui à ce traité, pour les même raisons que j’étais pour le Oui au TCE [2], même si je n’approuvais pas le mode de ratification.

Maintenant, que le traité de Lisbonne est ratifié, qu’est ce que cela va changer ? A vrai dire, pas grand chose. Car si désormais, il est plus facile d’adopter des politiques sociales, à cause des changements institutionnels [3], les institutions européennes étant composées majoritairement d’homme et de femmes de droites, nous auront une politique de droite ! Car même avec les meilleures institutions du monde, il est impossible d’avoir des politiques de gauche si les élus sont de droite. A cet égard, les abstentionnistes « de gauche », qui n’ont pas voté aux européennes à cause du choix de Sarkozy ne pas mettre en œuvre de référendum devront s’en mordre les doigts [4].

Mais qui sait, peut-être qu’en 2014 on aura un PE de gauche ?

En attendant, cette « victoire » a un goût amer. D’abord, ce n’en est pas une, puisqu’il n’y a pas eu de référendum en France. Et elle s’est faite au détriment des droits sociaux et des droits des femmes en Irlande (Et oui, les Irlandais ont voté Non une première fois car ils pensaient que voter OUI obligerait à légaliser l’IVG, tandis qu’en France, certains ont appelé à voter NON au TCE en arguant que le TCE interdirait le droit à l’IVG. Ce sont d’ailleurs souvent les mêmes qui se sont réjouis du Non Irlandais).

Ensuite, le mode de ratification choisie par Sarkozy va accroître encore plus la défiance envers l’Union Européenne. Même sans être euro-sceptique, on a de quoi penser que l’Europe nous est imposée, puisque pour éviter un vote Non à Lisbonne (moins libéral que Maastrich-Nice mais plus que le TCE), Sarkozy n’a pas fait appel au référendum. De même, la décision de refaire voter l’Irlande laisse entendre qu’il n’y a le choix qu’entre le Oui et le Oui [5].

Enfin, les traces de la division de la gauche sur cette question demeurent. Il n’y a qu’à aller sur les sites du PG, du NPA, du PCF, pour voir que tout ceux qui ont appelé à voter Oui ne sont plus considérés comme de gauche [6]. Le pire est que les politique qui seront menées dans les prochaines années seront de droites, ce qui donnera (faussement) raison aux discours du genre « Lisbonne c’est mal ». Je n’ai lu que l’article cosigné par Cohn-Bendit et Bové qui dépasse ce vrai/faux clivage du côté des Nonistes. Quand donc les Nonistes comprendront-il qu’on peut avoir des sincères raison antilibérales de voter OUI [7] ?

Amère ratification s’il en est. La droite et les partisans d’une Europe libérale ont de quoi se réjouir : non que Lisbonne leur facilite la tâche, au contraire, mais la division que le traité a entrainé au sein de la gauche, la défiance que son mode de ratification entraine, les concessions ayant été donné à l’Irlande, tout ceci leur ouvre un boulevard. Sitôt qu’ils jugeront la crise passée, les politiques libérales reprendront. Et en attendant, ont mène des politiques non libérales, mais en faveur des capitalistes et non des salariés.

Notes

[1Les mêmes amis qui d’ailleurs ne voulaient pas participer aux manifs anti CPE l’année suivante par crainte de rater les cours.

[2Sur la question des raisons de voter OUI à ces deux traités, je renvoie au site de mon oncle

[3Renforcement du poids du parlement, fin de la règle de l’unanimité dans certains domaines »¦

[4Oui, il en existe

[5D’ailleurs, à ce sujet, il est intéressant de relire un texte de Mélenchon qui aujourd’hui attaque les Ouitistes mais qui en 1992 attaquait les Nonistes à Maastricht avec un argumentaire assez semblable aux Ouitiste au TCE

[6Un peu moins pour le PCF, mais cela par intérêt électoraliste principalement.

[7Je parle ici au niveau des grands discours des représentants de partie. Heureusement, au niveau local on trouve des nonistes qui le comprennent.