Sur les propos de Mgr Vingt-trois
Aurais-je cru que je reprendrai autant le clavier pour m’exprimer sur un sujet qui somme toute est assez mineur au sein de mon engagement politique, à savoir le droit au mariage pour tous les couples ?
Pourtant je me laisse happer par l’actualité. La raison principale est que les responsables de mon Église montent au créneau là dessus et que je sais :
– que quand l’Église Catholique mobilise ses réseaux militants conservateurs, elle peut être puissante.
– que je suis en désaccord sur les arguments avancés par ces évêques pour défendre cette position, qui consiste essentiellement en :
- une vision essentialisée du mariage, qui oublie que le mariage est une institution sociale dont les modalités, les justifications, les formes ont changé.
- une défense du droit de l’enfant d’avoir des parents hétérosexuels, pour son bon équilibre, sans qu’aucun argument convaincant ne vienne étayer cet argumentaire [1].
Je peux donc analyser le point de vue de Mgr Vingt-Trois selon deux angles
d’approche :
– en tant que citoyen dans un monde politique.
– en tant que chrétien au sein d’une Église.
Je ne parlerai ici que du premier point.
Du droit de parler publiquement
Que l’évêque prenne position contre un projet de loi ne me choque pas. Ce qui me choquerait serait qu’il soit plus entendu que n’importe quel citoyen lambda. Respectueux de la laïcité, je sais que celle-ci ne signifie pas que les religions doivent se taire, mais simplement qu’elles ne doivent pas être soutenues par les pouvoirs publics et que leur voix n’est qu’une voix parmi d’autres.
En ce sens, l’Église est tout aussi légitime que les associations LGBT à s’exprimer sur la place publique. En ce sens, on a également affaire à deux lobbies.
Du mépris pour les élus
En revanche, lorsque Mgr Vingt-Trois en appelle à la conscience des élus, cela me gêne profondément. Car cela laisse entendre que si les élus suivaient leurs consciences, ils devraient nécessairement s’opposer au mariage pour tous.
Extrait de son homélie à Lourdes :
Face à ces grands enjeux, c’est à la conscience personnelle du responsable politique d’exercer ses choix avec liberté et courage. La liberté doit se gagner et se défendre face aux lobbies qui saturent les espaces de communication. La liberté doit résister au conformisme de la pensée « prête à porter » qui évite de trop s’interroger. Elle suppose de ne pas s’en remettre à l’avis de tel ou tel supposé spécialiste. Le courage est nécessaire quand il s’agit pour le responsable politique de prendre ses distances par rapport à son entourage idéologique ou à son parti et d’exposer son image publique. Au cours des dernières semaines, plusieurs l’ont déjà manifesté. N’est-ce pas ce à quoi l’on reconnaît les hommes et les femmes de conviction : leur capacité à se prononcer en vérité devant leur conscience et devant les hommes ?
Pas un instant Mgr Vingt-Trois n’envisage que la conscience éclairée puisse être favorable au mariage pour tous. Autrement dit : si vous avez une conscience, vous devez vous opposer à ce projet de loi.
Et bien non, Mgt Vingt-Trois : c’est en conscience que j’ai défendu samedi dernier le mariage pour tous, c’est en conscience qu’aujourd’hui, par conviction, je m’oppose à vos prises de positions.
Si l’on poussait à son extrême, la position de Mgr Vingt-Trois en arrive presque à nier la liberté de conscience, et par conséquent le choix politique.
De l’expression publique de la conscience
Quand je me suis engagé chez les Jeunes Écologistes, je savais que j’adhérais à un mouvement favorable à ce droit. Même si je n’en faisais pas mon cheval de bataille.
Lorsque les candidats socialistes se sont présentés, ils savaient en conscience qu’ils étaient dans un parti qui défendait cette position.
Mgr Vingt-Trois, ne manipulez pas ainsi l’argument de la conscience. Arrêtez de dire que les élus pour le mariage pour tous sont manipulés par un lobbie (qui soit dit en passant, est moins présent actuellement dans les journaux que les catholiques).
Mon courage à moi, c’est de dire, face à mes frères et sœurs catholiques, et face notamment à la hiérarchie, que ma conscience m’invite à soutenir l’égale dignité de tous les couples, ce qui passe par la reconnaissance juridique de cette égale dignité, par le mariage [2]. Et je pense que ce courage est tout aussi fort que le courage des élus opposés à la ligne du parti, si ce n’est plus [3].
Sur la politique comme choix de Société
Cependant je rejoins Mgr Vingt-Trois sur un point : c’est bien un choix de société qui est en jeu. Considère-t-on que tous les couples sont égaux, mais que d’autres le sont plus que d’autres ? Et parce que c’est un choix de société, c’est un choix politique. Mais au même titre que l’orientation de la politique énergétique, que l’accueil de l’étranger ou que les formes de fiscalité.
L’alternance que nous avons vécue ne marque pas un changement particulier de choix de société [4]. Le seul changement serait le mariage pour tous, mais qui acterait un fait déjà existant : le modèle de la famille biparentale héterosexuelle n’est plus le seul modèle existant.
La question est de savoir : en choisissant cette nouvelle majorité, les Français ont-il choisi ce changement ? Mais la question pourrait se poser sur tous les domaines. En choisissant Nicolas Sarkozy, les Français choisissaient-ils nécessairement le durcissement des politiques d’immigrations ? Pourtant je n’ai jamais entendu les évêques dirent que la politique d’immigration ne relevaient pas d’un simple changement de majorité.
Bref, ce que je reproche à Monseigneur Vingt-Trois c’est à la fois de feindre que les questions sociétales ne soient pas des questions politiques et en même temps de les politiser à l’extrême par l’interpellation des pouvoirs politiques sur le sujet.