Tata Gibo

Ma grande tante Gilberte Geuinlé est morte. Je n’en garde pour l’essentiel que quelques souvenirs d’enfance, un peu d’adolescence, et surtout le dévouement de ma mère qui a su remplacer auprès d’elle sa fille morte trop tôt.

Mais c’était une grande dame, et si je ne peux me rendre à son enterrement, j’ai souhaité lui rendre un dernier hommage.

Quels sont mes plus anciens souvenirs de Tata Gibo ? Ils sont au nombre de deux.
D’abord Gibo est la personne chez qui on s’arrêtait sur la route entre Melun et Serre-Chevalier. Ensuite, elle avait un drôle de nom.
Pensez-vous ! Tata Gigot ! Pourquoi l’appeler ainsi ? Pourquoi pas tata bifsteak ? Drôle de nom décidément, Gigot.

Mais finalement, cela explique beaucoup de chose. D’abord, quoi de plus normal avec un tel nom que de mourir en période pascale.

Ensuite qui est le gigot pascal par excellence, si ce n’est Christ ? Christ qui lorsqu’il a célébré la pâque avec ses disciples, a laissé, par le lavement des pieds, cette indication si vital : être pleinement homme, être homme conformé à l’image de Dieu, c’est être au service de ses frères et sœurs.

Et assurément, Gilberte l’a été par de nombreux aspects de sa vie. En assumant d’élever seule un enfant alors que son mari était loin, en travaillant dans l’outil par excellence de la solidarité que sont les caisses d’assurance maladie, en étant syndicaliste, luttant au côté de ses frères et sœur de classe, et même durant sa retraite, en combattant pour le respect de l’environnement grenoblois, pour que la ville ne soit pas qu’un entassement d’hommes et d’activités, mais d’abord un lieu où il fait bon vivre.

Alors oui, Gibo, tu as bien mérité ton surnom. Puisse l’agneau pascal t’accueillir, dans l’espérance du jour où il n’y aura plus de gigot, car alors « Le loup habitera avec l’agneau,
le léopard se couchera près du chevreau.
Le veau et le lionceau seront nourris ensemble,
un petit garçon les conduira.
La vache et l’ourse auront même pâture,
leurs petits, même gîte.
Le lion, comme le bœuf mangera du fourrage.
Le nourrisson s’amusera sur le nid du cobra.
Sur le trou de la vipère, le jeune enfant étendra la main.
Il ne se fera ni mal, ni destruction
sur toute ma montagne sainte,
car le pays sera rempli de la connaissance du SEIGNEUR,
comme la mer que comblent les eaux. » (Is 11, 6-9)