L’acharnement théologique

Je viens de finir de lire L’acharnement théologique : histoire de la grâce en occident, IIIème »“ XXIème siècle, par Bernard Quilliet [1]. Je ferai tout d’abord une critique du livre, puis énoncerait mon point de vue (toujour provisoire) sur cette délicate question de la grâce.

Le livre

Il s’agit semble-t-il du premier livre destiné a des non théologiens qui traite de ce sujet »“ l’histoire des rapport entre le grâce et le libre arbitre »“ sur une aussi longue période. Notons toutefois que le sous titre est un peu trompeur. En effet, il aurait mieux valu être « histoire de la grâce en occident catholique ». En effet, les différents point de vue sur la grâce dans les églises issus de la réforme s’arrête quasiment au 17ème siècle. Si le livre parle bien des conflits entre arminiens et gomaristes [2], il les détaille beaucoup moins que ceux entre jansénistes et molinistes [3]. Les partie consacrées 18e, 19e et 20e siècle n’évoque plus que questions interne au catholicisme, mis a part une brève allusion à l’accord Luthéro-Catholique de 1999. Ainsi n’est même pas cité Bonhoeffer et son livre, Le prix de la grâce.

Il est vrai que l’auteur a une tendance à prendre parti pour la position catholique non-janséniste dans cette histoire, et il ne précise sa propre situation qu’à la fin du livre : « ce qui va suivre ( »¦) ne correspondra donc pas forcément à ce que je pense, à ce que je crois en tant que chrétien, en tant que catholique romain » (p.603). Ainsi, le chapitre consacré à la Réforme s’intitule : « Les fils dénaturés de Saint Augustin et le Serf Arbitre », alors que celui consacré au concile de Trente s’intitule « La sagesse tridentine » [4].

De même, j’ai parfois l’impression que l’auteur reste encore dans le vieux mythe selon laquelle l’orthodoxie précède nécessairement l’hérésie, ainsi parlant de Nestorius il écrit « depuis peu Rome était instruite de ses erreurs théologiques sur la nature du Christ » (p.119). Or, jusqu’au Concile d’Ephèse (p.119), il n’y avait pas de position commune à ce sujet. Il me semble que l’on ne peut guère parler alors en tant qu’historien d’erreur théologique, même si on peut le faire en tant que théologien. Mais il s’agit là de l’éternel problème de savoir si un historien peut employer le vocabulaire des personnages dont il écrit l’histoire, surtout quand celui-ci a une connotation péjorative ou méliorative. [5]

A part cela, le livre est dans l’ensemble assez claire, mis à part le chapitre intitulé « Trouble et Confusion à la fin du moyen-âge ».

Quelques réflexions sur la question

Tout d’abord, je tiens à faire trois remarques :

  1. D’une part, le rapport entre la grâce et la liberté humaine est quelque chose qui nous dépasse, puis que cela relève de l’agir de Dieu. On ne serait donc prendre des positions trop fermes sur le sujet.
  2. D’autre part, on ne serait discuter de la même façon au XXIe siècle de ces questions qu’au XVIe siècle, outre le changement de vocabulaire, il est apparu un phénomène nouveaux, qui est l’existence de l’athéisme, et la reconnaissance de la légitimité du pluri-religieux.
  3. De plus, si au XVIe siècle la question du salut concerne essentiellement la vie post-mortem, et était relié à la question du paradis et de l’enfer, aujourd’hui c’est la question du salut hic et nunc qui se pose, tant dans sa dimension existentielle que social.

La Bible

Luther et les protestants se font souvent fort d’avoir la Bible avec eux. En caricaturant, la justification par la foi seul est le message principal et essentiel de la Bible. C’est particulièrement vrai chez les Luthériens, un peu moins chez les réformés. Hors, ne s’agit-il pas là d’une méthode qui consiste à faire dire à la Bible ce qu’on voudrait qu’elle dise ? Ainsi, plusieurs passage pourrait laisser à penser que la justification se fait par les œuvres, car à l’intérieur même de la Bible, on trouve plusieurs théologie. Et même St Paul, qui insiste avec véhémence sur la grâce est l’objet de discussion quand au sens exacte de ses paroles [6]
Je relèverais ici quelques passages tendant a à justification sur le mérite, ou que l’on peut lire comme tel :

Mt 25,31-46

31 Jésus parlait à ses disciples de sa venue : « Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, et tous les anges avec lui, alors il siégera sur son trône de gloire.
32 Toutes les nations seront rassemblées devant lui ; il séparera les hommes les uns des autres, comme le berger sépare les brebis des chèvres :
33 il placera les brebis à sa droite, et les chèvres à sa gauche.
34 Alors le Roi dira à ceux qui seront à sa droite : ’Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la création du monde.
35 Car j’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ;
36 j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi !’
37 Alors les justes lui répondront : ’Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu...? tu avais donc faim, et nous t’avons nourri ? tu avais soif, et nous t’avons donné à boire ?
38 tu étais un étranger, et nous t’avons accueilli ? tu étais nu, et nous t’avons habillé ?
39 tu étais malade ou en prison... Quand sommes-nous venus jusqu’à toi ?’
40 Et le Roi leur répondra : ’Amen, je vous le dis : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait.’
41 Alors il dira à ceux qui seront à sa gauche : ’Allez-vous-en loin de moi, maudits, dans le feu éternel préparé pour le démon et ses anges.
42 Car j’avais faim, et vous ne m’avez pas donné à manger ; j’avais soif, et vous ne m’avez pas donné à boire ;
43 j’étais un étranger, et vous ne m’avez pas accueilli ; j’étais nu, et vous ne m’avez pas habillé ; j’étais malade et en prison, et vous ne m’avez pas visité.’
44 Alors ils répondront, eux aussi : ’Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu avoir faim et soif, être nu, étranger, malade ou en prison, sans nous mettre à ton service ?’
45 Il leur répondra : ’Amen, je vous le dis : chaque fois que vous ne l’avez pas fait à l’un de ces petits, à moi non plus vous ne l’avez pas fait.’
46 Et ils s’en iront, ceux-ci au châtiment éternel, et les justes, à la vie éternelle. »

L’épitre de Jacques, que Luther considérait comme une « épitre de Paille »

14 Mes frères, si quelqu’un prétend avoir la foi, alors qu’il n’agit pas, à quoi cela sert-il ? Cet homme-là peut-il être sauvé par sa foi ?
15 Supposons que l’un de nos frères ou l’une de nos soeurs n’aient pas de quoi s’habiller, ni de quoi manger tous les jours ;
16 si l’un de vous leur dit : « Rentrez tranquillement chez vous ! Mettez-vous au chaud, et mangez à votre faim ! » et si vous ne leur donnez pas ce que réclame leur corps, à quoi cela sert-il ?
17 Ainsi donc, celui qui n’agit pas, sa foi est bel et bien morte,
18 et on peut lui dire : « Tu prétends avoir la foi, moi je la mets en pratique. Montre-moi donc ta foi qui n’agit pas ; moi, c’est par mes actes que je te montrerai ma foi.
19 Tu crois qu’il y a un seul Dieu ? Tu as raison. Les démons, eux aussi, le croient, mais ils tremblent de peur.
20 Pauvre homme, veux-tu une preuve que la foi sans les oeuvres ne sert à rien ?
21 Regarde Abraham notre père : Dieu a fait de lui un juste à cause de ses actes, quand il a offert sur l’autel son fils Isaac.
22 Tu vois bien que sa foi était à l’oeuvre avec ses actes, et ses actes ont rendu sa foi parfaite.
23 Ainsi s’est accomplie la parole de l’Écriture :
Abraham eut foi en Dieu,
et de ce fait Dieu estima qu’il était juste,
24 Vous le constatez : l’homme devient juste à cause de ses actes, et pas seulement par sa foi.

Néanmoins, je ne crois pas en une justification par les œuvres. Dieu ne nous aime pas parce que l’on fait quelque chose de bien, mais il nous aime malgrès tout ce qu’on peut faire de mal. C’est cela sans doute le pardon :

Il dit encore : « Un homme avait deux fils. 12 Le plus jeune dit à son père : "Père, donne-moi la part de bien qui doit me revenir". Et le père leur partagea son avoir. 13 Peu de jours après, le plus jeune fils, ayant tout réalisé, partit pour un pays lointain et il y dilapida son bien dans une vie de désordre. 14 Quand il eut tout dépensé, une grande famine survint dans ce pays, et il commença à se trouver dans l’indigence. 15 Il alla se mettre au service d’un des citoyens de ce pays qui l’envoya dans ses champs garder les porcs. 16 Il aurait bien voulu se remplir le ventre des gousses que mangeaient les porcs, mais personne ne lui en donnait. 17 Rentrant alors en lui-même, il se dit : "Combien d’ouvriers de mon père ont du pain de reste, tandis que moi, ici, je meurs de faim" ! 18 Je vais aller vers mon père et je lui dirai : "Père, j’ai péché envers le ciel et contre toi. 19 Je ne mérite plus d’être appelé ton fils. Traite-moi comme un de tes ouvriers". 20 Il alla vers son père. Comme il était encore loin, son père l’aperçut et fut pris de pitié : il courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers. 21 Le fils lui dit : "Père, j’ai péché envers le ciel et contre toi. Je ne mérite plus d’être appelé ton fils" 22 Mais le père dit à ses serviteurs : "Vite, apportez la plus belle robe, et habillez-le ; mettez-lui un anneau au doigt, des sandales aux pieds. 23 Amenez le veau gras, tuez-le, mangeons et festoyons, 24 car mon fils que voici était mort et il est revenu à la vie, il était perdu et il est retrouvé". Et ils se mirent à festoyer.

25 Son fils aîné était aux champs. Quand, à son retour, il approcha de la maison, il entendit de la musique et des danses. 26 Appelant un des serviteurs, il lui demanda ce que c’était. 27 Celui-ci lui dit : "C’est ton frère qui est arrivé, et ton père a tué le veau gras parce qu’il l’a vu revenir en bonne santé". 28 Alors il se mit en colère et il ne voulait pas entrer. Son père sortit pour l’en prier ; 29 mais il répliqua à son père : "Voilà tant d’années que je te sers sans avoir jamais désobéi à tes ordres ; et, à moi, tu n’as jamais donné un chevreau pour festoyer avec mes amis. 30 Mais quand ton fils que voici est arrivé, lui qui a mangé ton avoir avec des filles, tu as tué le veau gras pour lui" ! 31 Alors le père lui dit : "Mon enfant, toi, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi. 32 Mais il fallait festoyer et se réjouir, parce que ton frère que voici était mort et il est vivant, il était perdu et il est retrouvé" ». (Lc 15,11-32)

Alors même que l’enfant n’était plus là , le Père l’aimait toujours. Et si le Veau Gras est mangé, ce n’est point à cause du mérite du Fils, mais à cause de la joie du Père.

Mais qu’est ce qui me fait penser que les arguments en faveur de la grâce sont supérieur à ceux en faveur des œuvres ?

La grâce libératrice ?

Pour Luther, la découverte de la grâce fut un vrai libération. Je le laisse ici parler :

« Cette année [en 1513], j’avais entrepris pour la seconde fois l’interprétation des psaumes, et je pensais y être mieux préparé, après avoir traité entre temps les Epîtres aux Romains, aux Galates et aux Hébreux dans mes cours. J’avais brûlé du désir de bien comprendre un terme employé dans l’Epître aux Romains au premier chapitre, là où il est dit : " La justice de Dieu est révélée dans l’Evangile "* ; car, jusqu’alors, j’y songeais en frémissant. Ce terme de "justice de Dieu", je le haïssais, car l’usage courant et l’emploi qu’en font habituellement tous les docteurs m’avaient enseigné à le comprendre au sens philosophique. J’entendais par là la justice "formelle" ou "active", une qualité divine qui pousse Dieu à punir les pécheurs et les coupables. Malgré ma vie irréprochable de moine, je me sentais pécheur aux yeux de Dieu ; ma conscience était extrémement inquiète et je n’avais aucune certitude que Dieu fût apaisé par mes satisfactions. Aussi je n’aimais pas ce Dieu juste et vengeur. Je le haïssais et, si je ne blasphémais pas en secret, certainement je m’indignais et murmurais violemment contre lui, disant : N’est-il pas suffisant qu’il nous condamne à la mort éternelle à cause du péché de nos pères et qu’il nous fasse subir toute la sévérité de sa loi ? Faut-il qu’il augmente encore nos tourments par l’Evangile et que, même là , il nous fasse annoncer sa justice et sa colère ?...

Enfin, Dieu me prit en pitié. Pendant que je méditais jour et nuit et que j’examinais l’enchaînement de ces mots : "La justice de Dieu est révélée dans l’Evangile" comme il est écrit : "le juste vivra par la foi", je commençais à comprendre que "la justice de Dieu" signifie la justice que Dieu donne et par laquelle le juste vit, s’il a la foi... Aussitôt, je me sentis renaître, et il me sembla être entré par des portes largement ouvertes au paradis même. Dès lors, l’Ecriture tout entière prit à mes yeux uns aspect nouveau. Je parcourus les textes comme ma mémoire me les présentait et notai d’autres termes qu’il fallait expliquer de façon analogue... la puissance de Dieu par laquelle il nous donne la force, la sagesse, par laquelle il nous rend sages, le salut, la gloire de Dieu. »

Luther, Autobiographie I, 15.

Quand j’ai lu pour la première foi ce passage, j’ai eu un chaud au cœur. Moi, qui sur la question du de la justification suit plutôt proche des thèses catholiques [7]. Et je comprends que, dans ce XVIème siècle, cela est pu paraître a nombre de gens comme déstréxeur. Et je pense d’ailleurs qu’avant Vatican II je serais sans doute devenu Protestant.

Pour autant, il me semble que la grâce n’est pas toujours libératrice. Car la grâce est une forme d’arbitraire. àŠtre sauvé par grâce, c’est être sauvé par quelque chose que l’on ne maîtrise pas. Dès lors, cela peut amener à être complexé, car cela ne nous valorise pas. D’ailleurs, chez Luther, comme chez Augustin, l’homme sans Dieu n’est rien. Or ceci, je ne peut l’admettre. D’une part, parce que j’ai beaucoup d’amis athées. D’autre part, parce que je préfère regarder cette parole « Dieu créa l’homme à son image, il le créa à l’image de Dieu, il créa l’homme et la femme. ( »¦)Dieu vit tout ce qu’il avait fait et voici, cela était très bon. ». (Gn 1,27.31) plutôt que « le sol sera maudit à cause de toi » (Gn 3,17). Ainsi, une fois n’est pas coutume, je souscrit à l’opinion des évêques catholique Français lorsqu’ils écrivent :

Par le péché d’origine, la nature humaine a été gravement blessée. Cependant, elle n’a pas été totalement corrompue. L’image de Dieu a été ternie, comme elle l’est toujours, par le péché. Elle n’a pas été, elle n’est jamais détruite.
(Catéchisme pour adulte

Une grâce excuse ?

Par ailleurs, le risque existe que la grâce soit une excuse pour ne rien faire, quel soit, comme le dit Bonhoeffer une « grâce à bon marché ». C’est pourquoi l’homme doit « coopérer » à la grâce, comme le dit le Concile de Trente. Ou pour prendre un point de vu protestant :

Parce qu’il est en fait impropre de parle de l’obéissance comme d’une conséquence de la foi, pour attirer l’attention sur l’unité indissoluble de la foi et de l’obéissance, il convient maintenant de placer, en regard de la phrase selon laquelle « seul le croyant est obéissant, cette autre phrase « seul celui qui est obéissant croit »
(Bonhoeffer, D. Trad. : Luce Giard et Roland Revet), Le prix de la grâce, Paris : Le cerf, Genève : Labor et Fides, mars 1985, p.37).

Quand le message de la grâce doit être proclamé

Quand donc faut-il particulièrement insisté sur la grâce ? Je cite ici quelques pistes où la grâce joue un rôle important dans la (re)construction de soit.

En Pastorale des Prisons

J’ai rencontré au Frat un aumônier catholique des prisons. Il a définit un peu près ainsi son rôle : « Mon rôle est de rappeler la folie de la croix :

Ce n’est pas pour baptiser que Christ m’a envoyé, c’est pour annoncer l’Évangile, et cela sans la sagesse du langage, afin que la croix de Christ ne soit pas rendue vaine.

Car la prédication de la croix est une folie pour ceux qui périssent ; mais pour nous qui sommes sauvés, elle est une puissance de Dieu.

Aussi est-il écrit : Je détruirai la sagesse des sages, Et j’anéantirai l’intelligence des intelligents.

Où est le sage ? où est le scribe ? où est le disputeur de ce siècle ? Dieu n’a-t-il pas convaincu de folie la sagesse du monde ?

Car puisque le monde, avec sa sagesse, n’a point connu Dieu dans la sagesse de Dieu, il a plu à Dieu de sauver les croyants par la folie de la prédication.

Les Juifs demandent des miracles et les Grecs cherchent la sagesse :

nous, nous prêchons Christ crucifié ; scandale pour les Juifs et folie pour les païens,

mais puissance de Dieu et sagesse de Dieu pour ceux qui sont appelés, tant Juifs que Grecs.

Car la folie de Dieu est plus sage que les hommes, et la faiblesse de Dieu est plus forte que les hommes.

Considérez, frères, que parmi vous qui avez été appelés il n’y a ni beaucoup de sages selon la chair, ni beaucoup de puissants, ni beaucoup de nobles.

Mais Dieu a choisi les choses folles du monde pour confondre les sages ; Dieu a choisi les choses faibles du monde pour confondre les fortes ;

et Dieu a choisi les choses viles du monde et celles qu’on méprise, celles qui ne sont point, pour réduire à néant celles qui sont

(1 Co 1, 17-28. L’aumonier ne nous l’a pas cité explicitement.)

« malgré tout ce que le prisonnier a fait, Dieu l’aime, il est bien plus que ce qu’il a fait » . Je rajouterai : que le droit de l’homme ce n’est pas « d’abord le droit des victimes ».

En pastorale des jeunes

L’adolescence est sans doute un des moments où la question de l’identité se pose le plus. Or, il est fréquent que l’adolescent se sent comme inutile, comme ratant tout ce qu’il fait. Rappeler la grâce, en des termes d’aujourd’hui, permet de reconstruire cette identité. Et c’est bien là le but premier du catéchisme (ou de l’aumonerie) :

le but premier du catéchisme devrait être de favoriser autant que possible, dans la perspective religieuse et chrétienne le travail de l’identité des adolescent catéchumène par un usage systématique de séquence et d’expérience de réflexions. (P-L. Dubied, Apprendre Dieu à l’adolescence)

A l’occasion du Frat de Lourde, j’ai pu constater la récurrence des mots « amour », « aimer » concernant Dieu. Ainsi, de ce point de vue, il me semble bien que des catholiques ont adoptés le langage de la grâce. [8]

Dans la politique migratoire

On sait que le grand slogan de notre président, c’est « l’immigration choisi ». En gros, ne pourrons être accueilli que les étrangers « utiles ». Or la grâce rappel que l’homme vaut bien plus que ce qu’il fait. De ce point de vue, il y a une incohérence dans la politique de Nicolas Sarkozy lorsque d’un côte il soutient que « Dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur » et dans un même temps refuse d’écouter le Conseil des Églises de France en matière migratoire

Conclusion générale

Argh, je n’aime pas faire de conclusion ! Mais bon, je résumerais ainsi :
  le livre de Quilliet est une bonne présentation pour des non théologiens de l’histoire des rapports entre grâce et liberté. Néanmoins, il est clair que l’auteur est loin d’être neutre dans ce débat.
  La Bible nous aide difficilement a tranché entre les deux. Il faut maintenir un équilibre : si la grâce est primordiale, et permet dans bien des cas de reconstruire l’homme, elle ne va pas sans conséquences. Elle n’est pas un grâce à bon marché, mais une grâce qui coûte.

Notes

[1professeur d’histoire à Paris VIII. Le livre est publié chez Fayard

[2au sein du Calvinisme, les premiers tendent à nier le rôle de la prédéstination

[3au sein du catholicisme, les premiers insiste sur la radicalité de la grâce, alors que les secondes laissent plus de place au libre arbitre

[4C’est moi qui met en italique dans les deux cas

[5Ainsi, j’avais écrit sur des mes copies que « Augustin sombre dans le manichéisme », à l’intérieur d’une biographique de Monique. Mon professeur m’avait corrigé, disant que l’historien n’avait pas à prendre partie. Hors, lorsque j’avais écrit cela, c’était en pensant au point de vue de Monique. Mon erreur était de ne pas avoir mis de guillemets.

[6grand hommage à mon professeur, calviniste, de Théologie pratique, qui m’a déclaré qu’effectivement on pouvait avoir des arguments sérieux pour une théologie des œuvres.

[7alors que sur les questions d’ecclésiologie, je suis plutôt protestant

[8Il est par ailleurs tout a fait paradoxale et scandaleux que le système des indulgences aient été remis à l’ordre du jour par Jean-Paul II et Benoit XVI.